Je reste un moment à la conforter, même si je sens qu’elle s’est endormie. Ce sont ces petits moments de confiance qui me donnent parfois un petit espoir dans la vie, dans cette existence éternelle, ce cycle de déceptions et de trahisons. Mais, parfois, dans cet océan de ténèbres, on peut aussi trouver une personne qui illumine un temps.
Je me lève juste un moment pour réalimenter le feu, et contrôler l’état d’Emiel. Puis je reviens à ma position d’origine, comme si de rien n’était.
Je repense à Deheiera, une alpyre de mes amies, massacrée par un sorceleur de l’école de la vipère, nommé Auckles. Son seul tort était sa race, et d’avoir voulu se fondre dans la masse, de rallier la cour du roi Denavend. Et elle fut massacrée avec le roi en question, sur le navire de celui ci. Juste pour des histoires de couronne et de suprématie territoriale, juste pour la folie de l’empereur Emyr.
Et, un autre sorceleur, m’a privé de ma vengeance en éliminant Auckles et son compagnon Serrit. Parfois, je me dis que l’âme de mon amie ne saurait reposer en paix, faute d’avoir vu cet assassin périr dans d’atroces souffrances de la main de quelqu’un qu’elle aimait.

Et tant des nôtres, morts de la main de sorceleurs, juste pour des questions de cupidité. Tués froidement, sans véritable raison, pour le seul tort d’être différents.

Et, Io, en se réveillant, interrompt mes ruminations, et elle me demande si elle a dormi longtemps. J’aime toujours l’ironie de cette question, longtemps, quelle est la définition de ce mot pour une créature éternelle ? Je lui souris, avec un peu de tendresse et d’amusement.

D : Je pense que tu as dormi suffisamment longtemps pour récupérer. Les traces ont disparu, comme s’il ne s’était rien passé.

Rien passé, tu parles. J’ai surtout envie de mettre un soufflet à Emiel pour ça. Même si je le sais peu responsable de tout ça. On se fait tous manipuler, un jour, j’en sais quelque chose.

Foudre noire, qui a repris son apparence de cheval « normal », revient. Je vois dans le regard du canasson vampirique qu’il souhaite que nous reprenions la route. Mais, il reste à voir l’état dans lequel Emiel se trouve.

Après un dur réveil, comme sorti d’un cauchemar, je finis par émerger avec une sensation horrible. Un flux de pensées où se mêlent, colère, culpabilité, incompréhension. Je finis par me lever, à la recherche de quelque chose à boire, et je marche, somme toute assez lentement, en direction du petit cours d’eau qui traverse la grotte.
Je sens bien que le poison est toujours là, et ça m’inquiète. Mais, il n’empêche que quelque chose le contre. Quelque chose de puissant.
Je me baisse et bois un peu de cette eau pure qui coule, de l’eau de source, c’est quand même agréable, et la fraicheur du liquide m’aide un peu à me sentir mieux. Je finis par me diriger vers la sortie de la grotte, où j’aperçois, toujours un peu dans le flou, un rayon de lumière. Je suppose que le jour est en train de se lever.
J’avance le long du cours d’eau, et je finis par atteindre la sortie. Je prends quelques secondes à observer le lever de soleil. Qui me semble tellement nouveau, comme si c’était la première fois que je le voyais. Et, je m’avance encore un peu. Là, auprès du feu de camp, j’aperçois une silhouette que je connais bien. Le visage sévere de mon vieil ami, Dettlaff.
Je sais que ce vampire, même s’il est mon ami, a été tellement brisé qu’il ne pardonne plus rien, et je me doute qu’il va vouloir me faire payer cher ce qu’il s’est passé. Et je ne saurais lui donner tort.
Je me sens tellement fatigué que je ne pense pas être en mesure de me défendre. Mais, en ais-je même la volonté ? J’ai tourné mes griffes et mes crocs vers quelqu’un que j’aimais, et, ça, je ne me le pardonnerai jamais.
Et ce, quelle qu’en soit la raison.
Je m’avance vers mon vieil ami, en me disant qu’il m’a déjà sauvé la vie, alors qu’il la reprenne peut être une justice aussi.

Quand je vois Emiel debout et remis sur pieds, je me retrouve partagé entre soulagement et envie de lui mettre une baffe qui lui ferait découvrir les royaumes du Nord vus du ciel, l’image me paraît amusante, de lui mettre une mandale qui l’enverrait en Rédania. Et je me tends un peu, tandis que mes traits se durcissent. Puis, IO se lève te lui parle et me demande de ne pas l’éclater, je ne réponds pas sur le coup, partagé dans mes intentions, dans mes sensations.

Je m’approche avec une démarche un peu agressive, et le fixe dans les yeux.

D : Je devrais te découper en petits morceaux pour t’être fait berner de la sorte. Toi qui es sensé être le plus sage de nous deux.

Je m’avance encore pour faire planer le doute sur mes intentions, puis, je me mets à sourire.

D : Fichtre, mais que c’est bon de te revoir, surtout de te revoir en forme. Tu peux te vanter de nous avoir fait une sacrée frousse, vieux frère ! Comment te sens-tu ?

Je suis toujours autant énervé, mais, pour le moment, ma colère est diffuse, je ne sais pas encore vers qui la tourner. Le salaud qui est derrière tout ça, certainement, à condition de connaître son identité.
Io s'éloigne, pendant ce temps.

Et, finalement, je m’avance, et lui adresse une accolade amicale. Je sais bien qu’au réalité, je fais ça pour Io, et que je suis toujours un peu rancunier pour ce qu’il s’est passé. Mais, au fond, se faire manipuler, je connais ça, et, je serais quand même plutôt mal placé pour lui reprocher de s’être fait berner. Après tout, sous le coup de la colère, j’ai également commis des actes assez radicaux.

Je finis par me tourner et m’adosser à un arbre, un que je n’ai pas pulvérisé, et je regarde Régis, puis Io, puis Foudre noire qui semble regarder la scène avec intérêt. Ce cheval vampire est loin d’être idiot.
Manque plus qu’à retrouver la fille aux cheveux cendrés qu’on a perdue dans la forêt, j’espère qu’elle n’a pas trouvé une maison en pain d’épices.

Je vois Dettlaff qui s’approche l’air mauvais, et je me dis que ma dernière heure est arrivée. Mais, il se ravise, et je sens que c’était plus une boutade. Même si, le connaissant, je sais bien que dans sa tête ça doit être un véritable maelstrom.

Et quand il m’adresse une accolade, je trouve ça plutôt rassurant. Même si, je sais bien que, pour regagner sa confiance, il va me falloir faire des efforts. Même si ce n’était pas vraiment moi, c’était quand même mon pouvoir, et mes facultés qui se sont opposés à son amie.

Finalement, Io nous laisse entre Gharasham, et nous nous asseyons près du feu. En silence, chacun attendant certainement que l’autre fasse le premier pas. Et, après quelques unes de ces minutes qui semblent durer des heures, je finis par me lancer. Par respect pour notre race, et pour éviter que des oreilles indiscrètes ne nous ouïssent, après tout, nous ignorons encore toute de notre ennemi, je m’adresse à lui dans notre langue.

R : Io a dû te dire le plus gros, en réalité, j’ignore ce qu’il s’est passé. Quelqu’un a profité de ma venue dans une lecture, sur Wyzima, pour m’administrer ce venin. Et j’ignore comment j’ai pu arriver par ici. Est ce que quelqu’un m’aurait transporté ? Ou suis-je venu par mes propres moyens, ce qui serait étonnant, j’aurais laissé une rivière de cadavres derrière moi. Et, la coïncidence que ce soit sur vous que je sois tombé me paraît un peu trop surprenante.

Je lance un bout de bois dans le feu, même si, le jour se levant, la nécessité de maintenir celui ci n’est pas fondamentale.

R : Mais, je me souviens du goût de la potion, et, parmi les ingrédients, on trouve de l’extrait de Coccacidium, ainsi que du sang d’un très vieux vampire supérieur. Ce qui explique la puissance de cette potion. Mais indique aussi que notre ennemi est puissant pour pouvoir avoir obtenu de tels materiaux.

Je regarde, tour à tour, le feu, puis Dettlaff, et, après quelques moments, Io est de retour dans une nouvelle tenue.

R : Je suppose que je dois d’aller mieux à ton sang, et aux potions d’Io, alors merci à tous les deux.

Je me prépare à me relever. Mon organisme récupère assez vite.

Io nous demande si cet itinéraire nous convient, et, en ce qui me concerne, je n’ai pas d’objection. Ce périple ou un autre…
Je propose à Régis de chevaucher ensemble, mon cheval semblant un peu moins chargé que celui d’Io. Et nous continuons notre discussion, je tente de mon côté, de garder la tête froide, de ne pas me laisser submerger pas la colère, et l’envie de tout casser qui me trotte dans la tête depuis quelques heures, maintenant.
Io a dû sentir mon trouble, et elle m'envoie un message télépathique pour me rassurer qu'on va choper cet enfoiré, et je lui réponds que c'est une certitude.

Après quelques lieues, je me rapproche d’Io et initie la conversation.

D : Je m’interroge quand même, sur ce qu’il est arrivé. Tu me dis, Emiel, qu’il y avait de l’extrait de coccaccidium dans le poison. Mais cette espèce est très rare. Extrêmement rare. Je me demande où l’on peut trouver ce genre de créatures.

Mais ce n’est pas ce qui m’interpelle le plus, dans tout ce que j’ai entendu ce soir, il y a un autre détail plus que troublant.

D : Le sang d’un vieux vampire. Des anciens, il n’en reste plus vraiment. Dans notre clan, seuls restent, à ma connaissance, le doyen des invisibles, et la reine de la nuit, qui sont plus anciens que toi. Et, si l’un des deux avait été attaqué, par quelqu’un qui puisse prélever leur sang et en repartir vivant, je n’ai nul doute que tous ceux de notre espèce, même issus d’un autre clan, en auraient été informés.

Je garde un visage perplexe. Je n’ai pas trop envie de sourire, et, une fois de plus, mon cheval sent mon trouble, et tressaille légèrement. Assez imperceptiblement pour qu’il soit difficile de le détecter avec un œil non averti, mais notre osmose est telle que nous ressentons ce que l’autre ressent.

D : La seule explication que je pourrais proposer, ce serait qu’il resterait un autre supérieur, dont nous ignorerions tout, qui serait caché quelque part. Mais où ?

Je continue à chevaucher, tout en laissant les théories, certaines fort farfelues, se bousculer dans mon crâne. Je sens également beaucoup de trouble chez Io, elle doit penser à Duny, encore. J’espère qu’il ne la joue pas avec elle comme l’autre avec moi, sinon, je lui ferai découvrir les châtiments que nous savons administrer. Et je lui envoie un petit message rassurant. Quand nous aurons retrouvé l’enfoiré qui s’en est pris à Emiel, nous pourrons prendre le temps de le chercher.

J’écoute les réflexions de Dettlaff, et je m’interroge aussi. Les coccaccidium, dans les royaumes du Nord, ce n’est pas non plus ce qu’il manque, il y a eu beaucoup de sang qui a coulé, en raison des guerres, et certainement des esprits tourmentés. En revanche, affronter une telle créature, avec la vitesse et la puissance de celle-ci, c’est autre chose qu’affronter sa petite sœur echynoppyre. Il faut des réflexes de sorceleur, ou bien être une créature puissante telle que nous, pour en venir à bout.
Quant à la théorie du très vieux vampire, c’est évident. Je dois être bien fatigué pour ne pas m’être posé la question., mais c’est vrai que ça pourrait être le sang de qui ?

La question mérite d’être posée, mais, je pense, à l’instar d’Io que le moment de trouver les réponses n’est pas encore venu. Soit l’ennemi, sentant son plan échapper, va revenir à la charge et faire des erreurs, soit, nous chercherons des solutions quand le temps sera venu. Mais, je me doute que Dettlaff, avec sa vision des choses, doit avoir envie d’en finir rapidement avec celui qui est derrière ça.

Et nous nous rapprochons d’Io.

R : Donc, votre objectif est de rallier le mont Crane ? Retrouver Cirilla ? Pour quels objectifs exactement ?

Avec tout ça, je ne l’ai même pas interrogée sur ses motivations, ou si elle m’en a parlé, je devais être dans une situation où je n’étais pas en mesure de la comprendre.

Mais, il est une certitude, c’est que je leur ais fait perdre du temps dans leur entreprise, alors, autant profiter d’être là pour les aider un peu et tenter de leur faire rattraper ce que je leur ais coûté. Même si, ma petite vie rangée, mes lectures et opérations me manqueront vite.
La pensée me fait sourire un peu.

Après avoir laissé Io, je suis parti de mon côté, mû par cette envie d’être seul, de ne pas recroiser ma fille avec qui j’ai une histoire compliquée. Et je me suis enfoncé dans le bosquet. Au départ, pour chasser quelque chose à manger, puis, les pas de ma monture m’ont entraîné vers le nord, sans que je ne fasse trop attention à la distance parcourue. J’en ai perdu la notion du temps. Et, finalement, quand le nuit est tombée, j’étais venu tellement loin que je ne voyais plus le domaine. D’ailleurs, je n’arrivais même plus à savoir précisément où j’étais.
Au fond, la situation ne me déplaisait pas, ça m’évitait de croiser ma descendance. Celle qui aurait pu me servir pour faire progresser mon empire, régner, à travers elle, sous une autre identité, moins exposée, plus lissée. Mais qui avait choisi une vie d’aventures et m’avait tourné le dos.

Puis, quelques heures, ou jours, je ne sais plus, plus tard, j’ai ressenti quelque chose, comme une lutte au fond de moi, comme un cri intérieur. J’ai eu la sensation que Io avait des ennuis, qu’elle avait besoin d’aide. Aussi, j’ai poussé un sifflement, et mon cheval se ramène au petit trot. J’ai rapidement galopéjusqu’à la zone d’où venait ce que je ressentais. Tesham Mutna, une ancienne forteresse de vampires. Mais, Io, qu’es tu allée faire là dedans ?
Je ressens encore quelque chose, décidément, le lien qui s’est créé entre nous est tellement fort que j’arrive à ressentir les choses la concernant à travers l’espace, et peut-être le temps aussi. Et je m’avance vers une tour en ruines, des traces de combat, récentes. Un mur arraché, par une force immense. Vus les lieux, je présume qu’il s’agit d’un vampire, et pas n’importe lequel, un supérieur. Pourquoi Io serait-elle allée affronter une telle créature sur son territoire ? Et, si je ne m’abuse, ces êtres sont dotés d’une grande intelligence, pourquoi est ce qu’ils se seraient affrontés ?
Je regarde plus attentivement, du sang ? Est-ce qu’Io serait ensevelie quelque part là-dessous ? Mon instinct me dit que non. Alors, elle doit être à proximité. Je ressens quelque chose, encore, comme un flash. J’appelle mon destrier, et je me précipite dans la direction d’où je ressens la chose, et tire l’épée au clair, perdant tout discernement, avec la ferme intention de blesser gravement, faute de pouvoir le tuer, le vampire qui l’a blessée, et qui semble se tenir non loin d’elle. Arrivé à hauteur, je saute de la monture, avec la ferme intention de lui adresser un coup plongeant.

Je suis en pleine descente, sabre au clair, prêt à découper cet être sans aucune pitié. En ais-je fait preuve un jour, moi-même ? L’acier fend l’air dans un sifflement aigu, comme annonceur d’un funeste présage. Je me sens déjà en train d’enfoncer le tranchant dans la chair de cette créature.
C’est alors que quelque chose se produit, une succession d’évènements. Je me retrouve projeté. C’est impossible, la créature n’a même pas esquissé un geste. Est-ce ça son pouvoir ? Y a-t-il une telle différence entre un vampire supérieur et un mutant tel que moi ? Dans cet instant qui parait une éternité, je rumine un instant une si écrasante défaite. Et, je me retrouve, quelques instants plus tard dans la flotte. De l’eau stagnante, ce n’est pas une rivière, un lac, peut-être ?
Je commence à reprendre un peu mes esprits. Que s’est t’il passé ?
Je sens toujours mon épée, et cette sensation me fait envisager qu’il me reste encore une chance de venir à bout de cette créature, et je serre la poignée d’autant plus fort, lorsque je sens que l’on me retient le bras. Entre la fraicheur de l’eau, et cette sensation, la douceur de cette main, la fermeté parfaite de cette poigne, je commence à reprendre conscience, à sortir de cet état berserk dans lequel je me trouvais.
Io est là, en face de moi, vivante, et, apparemment en bonne santé. Et, cette sensation me fait oublier ma colère. Surtout qu’elle me dit qu’il n’y a pas lieu de m’inquiéter, pas de raison de me mettre en rogne. Je lui souris un instant. Puis, je m’inquiète à nouveau, avec ses pouvoirs, un vampire supérieur pourrait me faire tomber dans une illusion.
Non, c’est impossible, on peut abuser les sens, pas les sentiments, et, ce que je ressens en cet instant, est bien réel. Ma main desserre un peu l’épée, et je finis par la prendre dans mes bras.

D : Alors, raconte moi tout !

Je suis dans mes pensées, toujours tournées vers le même sujet, ma haine de l’espèce humaine, des sorceleurs, et autres créatures néfastes qui pensent que la planète leur appartient. Ces créatures qui croient tout savoir, alors qu’en réalité, ils ne savent rien, même leurs plus grands savants ne peuvent rien expliquer.
C’est alors qu’un bruit, une sensation touche mes sens, je me tourne rapidement vers la source d’animosité que je ressens, et j’aperçois Duny, mon vieil ami qui se précipite vers nous, l’air mauvais. Je comprends rapidement ce qu’il en est. Ses liens indéfectibles avec Io ne sont donc pas feints, il a réellement ressenti ce qu’il se passait, mais, il doit ignorer la réalité des choses. Et, il veut s’en prendre à moi. La pensée m’amuse.
Combien de temps me faudrait-il pour me défaire de lui ? Quelques secondes ? Moins que ça ? La pensée m’amuse. Mais, au fond, je comprends les raisons de sa colère, j’ai failli faire de même avec Emiel peu de temps auparavant, et je me dis que, quelque part, je suis responsable de la situation. J’aurais pu protéger Io mieux que ça. Et, même s’elle ne peut me tuer, l’attaque de Duny peut me faire très mal. Et, au fond, je me dis que c’est ce que je mérite, un châtiment pour ma négligence.
Je me tourne vers la lame, prêt à encaisser le coup, me disant que ça apaiserait mon ami, tout en m’apportant un peu de réconfort.
C’est alors qu’Io intervient, lançant une attaque rapide pour une dragonne, et entraînant Duny directement dans le lac avec elle. Je suis, quelque part, heureux qu’ils se retrouvent enfin, mais un peu envieux et nostalgique, parce que leur bonheur à tous les deux me rappelle celui que j’ai perdu.

Et, je pense à Duny, un être que j’ai du mal à cerner, même si c’est mon ami, et que je le connais fort bien. Pourquoi s’être absenté ? Pourquoi avoir pris le risque de perdre celle qui est faite pour lui ? Et je balaye ces pensées, en me disant qu’il a du sang humain, et que, quelque part, ces créatures sont incapables de se satisfaire de ce qu’elles ont.

Finalement, après quelques minutes de discussions, ils viennent nous rejoindre. Je les regarde, silencieux.

La colère draconique qui m’habitait commence à tomber, progressivement, et je reprends mes esprits, dans les meilleures conditions qui soient. Et je finis par sourire, alors que les battements de mon cœur s’intensifient.
Et je la serre un peu plus fort. L’angoisse que j’ai eue de la perdre m’a tellement bouleversé que j’ai du mal à croire qu’elle est réelle. Et, finalement, elle me lâche un peu pour sortir de l’eau. C’est vrai qu’avec de la flotte jusqu’au mollets, il y a de quoi prendre mal. Alors, je saisis la main qu’elle me tend, et me laisse entraîner en direction du camp. Et là, je reconnais que le vampire que j’ai failli embrocher n’est nul autre que Dettlaff, mon ancien compagnon de voyage, avec qui j’ai tant partagé.

Je finis par m’assoir près du feu, afin de faire sécher mes frusques, et je sens Io qui vient se blottir contre moi. Je souris encore. Finalement, elle rompt le silence avec son explication du projet de ma progeniture, et je l’écoute en parler. Et, je sens que Dettlaff est réticent, ce que je comprends. Lui qui se considère comme un monstre, alors qu’en réalité, il est bien moins monstrueux que beaucoup, n’a pas l’air très chaud à l’idée de partir créer un nouvel ordre de sorceleurs, et donc de chasseurs de monstre.

Alors que nos regards se croisent, je décide de le soutenir un peu. D’une façon certainement plus politique qu’il ne le ferait.

D : Quelque part, je suis un peu réticent, moi aussi, à ce projet. Le monde est violent, et, je peux concevoir que certains veuillent améliorer les choses. Mais, pour ma part, je ne suis pas certain que la création d’un nouvel ordre de mercenaires soit la meilleure idée. Au final, si c’est pour avoir une nouvelle rose ardente, je crains que ce ne soit qu’apporter plus de problèmes qu’il n’y en a déjà. Et, de plus, pour la majorité des gens, les lectures des pamphlets Monstrum, sont encore vivaces, et même après plusieurs décennies, la crainte des sorceleurs est toujours vivace un peu partout.

Je garde le visage un peu sévère et fermé en prononçant ces paroles.