Je sens le danger, mais en même temps je sens la lutte sans merci qui se joue dans son esprit. Je ne sais que faire. Je vois son bras droit qui s’élève, je vois ses griffes qui sortent et qui semblent vouloir s’abattre sur moi, j’ai le « Fus » au bout des lèvres. Mais soudain sa main repart dans l’autre sens et frappe violemment la cage qui vibre et qui semble basculer avant de revenir droite. Le mouvement le fait reculer de quelques mètres. Je me redresse, lui faisant face, mes yeux de dragon réapparaissent quand il me dit de fuir pour sauver ma vie.

- Je ne suis pas être à fuir, encore moins laisser un ami derrière moi… Quitte à te mettre dans un sale état, je vais me charger de te remettre d’équerre, comme tu l’aurais fait pour moi !

Là il n’est plus question d’agir comme avec une créature vampirique inférieure. Là c’est un véritable challenge qui m’attend, même pour un demi-dragon. La première chose, assurer ma défense, ses crocs, ses griffes et ses facultés psychiques sont un véritable danger. Mes deux cris défensifs sont tout aussi dangereux qu’efficaces. Malgré l’incident de la cage, je le sens qui se déplace, il joue avec sa proie. « Su Grah Dun » Pour quelques temps je peux être aussi rapide que lui. Je me contente de l’esquiver. Je n’ai pas d’armement, juste mon savoir de guerrière et mon Thu’Um. Contre un vampire supérieur de son âge et de son expérience, je continue de me demander si cela sera suffisant.

« Fus Roh Dah » La déferlante, violente, destructrice. Le but n’était pas de l’envoyer bouler mais de me projeter en arrière, après si je l’ai touché c’est en bonus. Plusieurs murs s’écroulent laissant tomber de lourds blocs de pierre. Parfait. On est en intérieur, certains cris sont inutiles pensai-je.

Il ne craint pas le feu, alors essayant un souffle froid de canard par cette chaleur. « Fo Krah Diin » Plusieurs fois, afin de rendre le sol direct et les murs glacés et glissants ainsi plus moyen de se tenir dessus, même pour lui. Je sens que notre combat est violent, mais il est tellement puissant, je ne vais pas avoir le choix.

- Régis !!! Résiste ! Tu es plus fort que ça ! Tu vaux mieux que ça ! Tu es assez expérimenté pour résister !

Je me fais projeter contre la cage alors qu’il revient à la charge je murmure le Thu’Um de la forme intangible mais incomplète. « Feim Zii » La forme éthérée, juste à temps, ses griffes me traversent tel un fantôme. Je me décale, et lorsque je reprends une forme tangible je le chope et le balance dans le mur d’en face. Il m’a mordu ! Encore ! J’ai rien vu ! Quand ? Comment ?

- Régis, je t’ai connu plus éduqué que ça !

« FUS ROH » Les torches s’éteignent. Nous sommes dans le noir. Je lance dans un souffle inaudible, les voix multiples, les voix qui viennent de partout et nulle part, « Zul Mey Gut ». J’attends, perchée dans les poutres, je dois reprendre mon souffle. Je sens que le sang me manque. Je n’aime pas cette impression. Je prie pour que Dettlaff, Ciri ou quelqu’un d’autre arrive… Vite !

Merde ! La forme de brume, je l’avais oublié celle-là ! Lors du coup contre la cage, je remarque que cette dernière n’est ni déformée, ni brisée. Qu’elle résiste vaillamment aux coups surpuissants du vampire. C’est à ce moment-là que je sais où nous sommes. Tesham Mutna. L’antre des premiers vampires, et si cette cage est celle en dimérithium qui a servi à tenir la furie d’un autre vampire, alors si j’arrive l’enfermer dedans, peut-être que…

Régis s’excuse, je souris, il est encore là quelque part, prisonnier d’une volonté qui n’est pas la sienne et qui le manipule. Y aurait-il en plus de la magie là-dessous ?

Quand je rejoins les poutres dans l’obscurité, il ne lui faut que quelques instants pour me rejoindre. Dans un silence que j’espère totale, je redescends. Je trébuche contre quelque chose ensevelie dans le sol. Je tire dessus, des chaînes. Elle semble être faite du même métal…

Régis, je jure devant les Dieux que je me vengerai de l’être qui t’a fait ça, Humain ou pas. Je me redresse. Bon sang, il est toujours là-haut ! J’avance et je fais claquer mes ailes pour déplacer les tonnes de poussière sur les autres chaînes faisant monter une brume de cette même poussière qui pique les yeux. Il y en a peu, mais j’espère que mon plan va fonctionner.

Alors que je me prépare à lui envoyer un cri de déferlement au plafond, j’entends sa voix éraillé par le vampirisme me signaler son arrivée. Ce qui va suivre. Je ne préfère pas y penser. Je sais que ce sort est dangereux, mais je n’ai pas le choix, il est trop rapide. Ca se joue à quelques secondes.

- Pardonne-moi Régis… « Tiid Klo »

Le cri du temps ralenti mais incomplet. J’ai juste le temps de rouler sur le côté à vitesse normale, d’attraper la première chaîne, de l’attacher dedans, de la souder par le feu avec un cri de premier niveau quitte à le brûler au passage. Puis rouler à nouveau, d’attraper une autre chaîne et de faire le même processus. Quand le temps reprend son cours, j’ai tout juste le temps de m’éloigner. Mais le mal est fait, le sang me cogne aux tempes. Heureusement que le sort n’était pas complet. Sinon je me serai évanouie sur le champ. Je regarde Régis, il connait la dangerosité de ce cri pour son utilité.

- De ce que tu m’as appris… Le Dimérithium est le seul métal capable d’entraver un vampire supérieur et de ne pas lui permettre la forme de brume…

Je titube un peu, et je marche vers lui. Il semble se débattre de toutes ses forces. En évitant qu’il me morde, je pose ma main sur sa joue. Mon regard fiché dans le sien :

- Tu ne peux plus me faire du mal… Ca va aller… C’est fini… On va attendre que les effets du poison… S’estompent…

Pas une fois je n’ai eu peur de lui, mais j’ai eu peur pour lui. J’évite plusieurs fois une morsure avant de me reculer et de m’asseoir le dos calé par la cage, face à lui. Je me mets à fredonner une comptine nordique pour passer le temps. Et aussi pour essayer de me calmer, mon feu draconique est encore trop haut.

- Il était un héros, nommé Ragnar le Rouge, qui vint à Blancherive et entra dans un bouge. Le faquin pérorait la rapière à la main, se vantant de victoires et d'énormes butins. Il y serait encore si entré par hasard, Mathilda la guerrière n'avait dit à Ragnar : Tu parles trop menteur et tu bois dans nos verres, Je crois bien qu'il est temps que l'on te fasse taire.[…]

Ses capacités reviennent petit à petit, ses traits se dérident, et une apparence plus humaine commence à poindre. Ouf ! Quelle journée ! Quand il me murmure les éléments de la potion, je les comptabilise dans ma tête, mais quand il parle d’un sang de vampire ancien, là par contre, c’est que le bonhomme il a un sacré niveau de magie, ou de sacrés appuis. Et surtout un niveau énorme de connaissances et de dextérité en alchimie. Mon Dieu, la souffrance. La souffrance qu’il doit endurer, car une potion comme ça, ce n’est pas sans douleurs.

- On doit bien pouvoir fabriquer un antidote, quand même !

Fis-je à moi-même mais pas suffisamment faiblement pour qu’il ne l’entende pas. Certes je suis une herboriste de talents (j’ai appris avec le meilleur, forcément !) Mais là, je dois dire que cette potion ou ce poison me laisse un peu désarmée. D’autant plus que j’ai bien une idée, mais toutes mes herbes sont dans ma besace, accrochée à la selle d’Oscuro.

Je sursaute quand le mur sur lequel étaient cimentées les chaînes s’écroule. C’était moins une. Quand il me murmure que j’ai été brillante, je ne peux pas retenir un certain sourire satisfait, succédé par un regard empli de douceur.

- C’est toi qui m’a enseigné ce que je sais, c’est grâce à toi si on s’en est sorti tous les deux. Mais on doit sortir de là, cet endroit n’est pas le mieux pour que tu récupères…

Je le regarde, il sourit, mais il a peur, je le sens. Mais d’un autre côté, je ne ressens plus cette chaleur, ce bouillonnement en lui, bestial, violent. C’est plutôt bon signe. Pour ma part, je ne tiens pas à rester plus longtemps dans ces lieux. Je détache Régis, je ne pense pas que la bête reviendra tout de suite. Tout doucement je pose son bras sur mes épaules et on commence à avancer.

- Courage… j’aurai de quoi créer un antidote une fois dehors…

Je prends le temps, faisant des pauses, et m’assurant qu’il ne risque pas de s’écrouler d’épuisement avant qu’on soit dehors…

Il est perdu, temporellement et géographiquement, et pour cause. Si ça se dit ça fait bien plus longtemps qu'il est dans cet état que je ne le pense. Toussaint et son lieu de vie habituel, ce n'est pas la porte d'à côté. Pour ma part je fatigue aussi, mais j'ai la force de nous glisser hors du donjon. Après quelques pas, nous arrivons sous un arbre.

- Tu es à Toussaint... Et cette bâtisse... Ben nous sommes à Tesham Mutna... Je ne suis pas mécontente d'en être sortie d'ailleurs...

Je le dépose sous l'arbre. Il n'y a pas d'eau, mais j'ai une idée. Je creuse un petit bol dans le sol et je le gèle. Je prends le bandeau que j'ai et je l'humidifie avant que toute l'eau entre en terre. Je reviens vers lui et je lui éponge un peu le front, délicatement.

- Quel est la dernière chose dont tu te souviennes?

Je suis en train de me remémorer les plantes que j'ai emmené dans ma besace, je dois avoir celle pour guérir des empoisonnements... Il va falloir aussi que je concentre les ingrédients pour qu'elle ait une chance de faire effet sur un vampire supérieur de son âge.

Malgré l'heure avancée, le soleil est encore haut dans le ciel, qu'est-ce qu'il fait chaud. Il faut qu'on bouge, qu'on retrouve les autres !

- Bouches-toi les oreilles !

Je prends un grand bol d'air, et je pousse un rugissement draconique faisant fuir les oiseaux environnants, Pendant le processus, mes yeux de dragons, et mes écailles sont apparus en filigrane. Quelques secondes plus tard on peut entendre les sabots d'un cheval. Il apparaît soudainement dans de la fumée entourée d'éclairs violasses. Je pensais que mes sorts d'altération était plus que mauvais. Faut croire qu'invoquer Oscuro n'en fait pas parti. Je rejoins alors le vampire et je lui tends la main.

- Tu te sens en état ?

En espérant que sa réponse soit positive, je l'aide à monter sur Oscuro qui ne bouge même pas alors que c'est un vampire supérieur. Puis on se met en route en coupant par les bois pour gagner un peu d'ombre.

Je le vois bien, il cherche dans ses souvenirs, il baragouine des trucs qui pour moi n’ont pas vraiment de sens même mis bout à bout. Je réfléchis… Il ne faut qu’une personne qui ne connaisse sa nature, pour ensuite pouvoir créer un poison. Comme dit précédemment, il faut un sacré niveau en alchimie et en connaissances diverses. Les gens qui sont capables de cela ne sont pas si nombreux, mis à part des pontes comme Falion ou encore Babette de la Confrérie. Mais je suppose que sur ce continent aussi il y a des grands parmi les mages et les alchimistes, des personnes, ou créatures capables de forger, créer, élaborer des potions, poisons, onguents, capable de faire vivre ou de laisser mourir, ou de transformer les personnes les plus douces, en les pires monstres de la création. Une potion de Berzerker en quelque sorte.

Je vois bien que lorsque je lui propose de monter sur le canasson, il n’est pas spécialement chaud à l’idée. IL est très affaibli, je le sais, je le sens, mais je ne me sens pas de partir seul sans lui et de laisser là dans son état pour aller retrouver Ciri et Dettlaff. Je sais au fond, Dettlaff m’a entendu, du moins je l’espère. Ainsi plus vite il arrivera avec la jeune femme, plus vite nous arriverons à notre première escale.

Avec toute la délicatesse du monde je l’aide à prendre place sur la selle. Je monte à mon tour dans son dos, et l’encadrant avec mes bras pour qu’il ne chute pas.

- Tu peux t’appuyer contre moi… Reposes toi tu l’as bien mérité. ET ne t’en fais pas, je te tiens, tu ne tomberas pas.  

Ainsi, lentement mais sûrement, je prends le sentier qui passe dans le bois, essayant de me repérer avec le soleil, la mousse sur les arbres, et les différentes énergies que je ressens… Je pense à Dettlaff et Ciri, je pense à Duny, qui doit être si loin maintenant… J’espère juste qu’ils iront à notre rencontre et que Dettlaff pourra m’aider à soulager Régis et le poison dont il a été le victime.

Quand il tressaille, je me rends compte qu’il est dans une semi-conscience, à mi-chemin entre un sommeil de plomb et la conscience voilée de noir. Serait-il judicieux de continuer à chevaucher en plein caniar avec un être supérieur mais affaibli ? Je mets alors mes sens en alerte, une maison, une grotte, quelque chose pour nous abriter et lui laisser le temps de récupérer, et si besoin reprendre notre périple de nuit.

IL murmure plusieurs noms, je touche son front, il est bouillant. Je n’ai vu un vampire avoir de la fièvre une fois, et c’était Dettlaff quand je l’ai récupéré en piteux état. Merde, faut que je trouve vite un abri. Je murmure quelque chose en draconique et Oscuro hennit et fait un signe positif de la tête. On tourne à travers les bois pour arriver sur des falaises, je n’avais pas souvenir qu’il y en avait, bien que le terrain où se trouve Tesham Mutna est très rocailleux. Je longe la falaise en restant au maximum à l’ombre. Je sens alors qu’il glisse doucement vers la droite. Je le rattrape.

- Régis… Tiens encore quelques instants…

J’ignore si dans son rêve il m’entend. C’est alors que je trouve enfin une caverne les pieds dans l’eau. Oscuro s’en approche au maximum. Je descends avec le malencontreux vampire dans mes bras. Je l’installe suffisamment à l’entrée de la caverne, mais pas suffisamment pour que la chaleur de plomb l’atteigne… Je descends ensuite de quoi monter un petit bivouac et je l’allonge sur mon lit de camp, un linge d’eau fraiche sur le front. Je ne peux pas cacher mon inquiétude. Et si en cas d’échec, la mixture devait le tuer ? J’efface cette pensée qui accentue mon angoisse aussi vite que je le peux. Avec un autre linge mouillé, j’éponge son visage. Ces gestes me rappellent alors ma première rencontre avec Dettlaff… J’avais fait la même chose. Les mêmes soins… Le même sentiment, la peur mais aussi la volonté de le voir rouvrir les yeux et se remettre de ses émotions.

Au bout de deux heures à me battre pour faire redescendre le coup de chaleur, et le soleil déjà plus bas. J’allume un petit feu de brindilles pour faire chauffer de l’eau. Dans le récipient, j’y mets plusieurs herbes et racine que je laisse infuser alors que la flammèche s’éteint doucement. Prochain étape, trouver une proie. Il y a des chevreuils pas loin, je peux les sentir… Je peux les voir passer entre les arbres peu de temps après. Mes griffes acérées et un sort de glace, la bête la plus faible s’écroule, la vie éteinte. Mon absence n’a duré que quelques instants tandis que je ramène la bête près de l’entrée. Régis semble plus serein. Je souris. Je prends le récipient et j’enlève les herbes et je le place dans ma tasse en étain. J’utilise légèrement le pouvoir de la glace pour refroidir. Je soulève délicatement le vampire et j’amène la tasse à ses lèvres.

- Régis… Il faut que tu boives… C’est une potion de ma composition, ça devrait te redonner un peu de force et dissiper le poison… J’ai ramené une proie fraîche… Ca pourra sûrement te remonter un peu…

Je soupire. J'espère vraiment que Dettlaff va nous retrouver, il est le seul à pouvoir remettre Régis en état efficacement...

- Bon retour parmi nous Régis…

Une fois qu’il avait bu la potion, je l’avais rallongé et j’avais passé le restant de l’après-midi à éponger et essayer de le refroidir. Pauvre Régis. Il y avait des bribes de paroles qui sortaient comme un murmure, mais cela semblait être dans un autre langage que lui seul devait ou pouvait comprendre. Tu me diras si je me mets à avoir une conversation en draconique avec un dragon, peu de gens vont suivre…

Quand il ouvrit les yeux, se fut comme une sorte de soulagement. Bien sûr je savais que le poison était toujours là, mais au moins cette potion semblait fonctionner. J’avais une certaine fierté dans mon for intérieur, réussir une prouesse avec une potion pour les humains, dosée à mort et que cela semble avoir un effet non négligeable sur lui.

Le soleil a disparu derrière les falaises, le sous-bois et la caverne dans laquelle on se trouve est lentement plongée dans l’ombre. J’espère que la nuit et l’air qu’elle apporte continuera de le remettre d’aplomb. Je jette un petit œil vers l’entrée de la forêt, espérant voir Dettlaff sur son destrier de couleur charbon.

- Ne te brusque pas, tu as tout ton temps…

Je désigne le gibier que j’ai chassé et renchérit.

- Je me disais que du sang te ferait peut-être du bien… Au moins te redonner quelques forces. Et puis là, tu n’as pas trop le choix, si tu veux te remettre rapidement.

Alors que je laisse Régis récupérer je retourne en dehors de la grotte. Je siffle Oscuro, qui revient de l’ombre. J’en décroche mes deux épées que je remets à leurs places dans mon dos.

Quelques minutes plus tard je suis en train d’allumer un feu avec du bois mort et quelques pierres pour délimiter le foyer, lorsque j’entends comme un cri de désespoir hurlant mon nom. Cette voix. Il nous aurait enfin retrouver. Je regarde Régis et je me lève. Je lance le cri déferlement au niveau intermédiaire plusieurs fois « Fus Roh » et j’attends de voir soit sa silhouette, soit sa forme de brume noire et rouge.

Merde, le cheval de Dettlaff qui arrive mais sans son cavalier. Là je crains un peu ce qu’il va se produire, je me retourne et je vois Dettlaff toutes griffes sorties. Il va s’en prendre à Régis ! Je ne me préoccupe plus du cheval, ni du feu, ni du reste. Je murmure le Thu’Um de la tempête pour me déplacer suffisamment vite et je me place sur sa route, juste avant qu’il atteigne son vieil ami endormi.

- Non, Dettlaff… S’il te plaît… C’est Régis…

Avec beaucoup de mal, j’arrive à nous déplacer hors de la grotte… Je me blottis contre lui et je l’enlace.

- Ne lui fais pas de mal… Je sais ce que tu penses… Mais crois-moi, l’affaire est beaucoup plus compliquée que tu ne le supposes…

Je le regarde avec des yeux brillants et fatigués. Il sait que je me suis battue comme une lionne te que le responsable des morsures que j’ai aux poignets et dans le cou, c’est Régis qui me les a infligées. Mais s’il savait toute l’histoire…

- Tu m’as retrouvé, c’est tout ce qui compte…Je suis en vie, je vais bien…

Je caresse sa joue, Même si la plupart aurait peur de son apparence, moi je n’en ai cure. Je suis habituée. Et malgré sa puissance bien supérieure à la mienne, j’ai l’impression que quelque part, il entend ce que je dis, malgré cette brume épaisse de colère et de rage qu’il ressent envers l’autre vampire supérieur qui ne semble ne pas avoir ressenti la présence de son vieil ami.

- Régis… a été piégé… Il a été à une soirée vers Wizyma et on lui a fait ingurgité un poison qui a fait de lui une bête… Un boucher… Il ne se souvient de pas grand-chose. Si ce n’est que malgré cette manipulation, il a eu suffisamment de conscience pour me donner des indications pour l’empêcher de nuire…

Je renforce ma prise. Ma main sur le haut de son torse. Je ne peux pas le laisser le tuer. Il est le seul à pouvoir le faire, je le sais, mais non, je ne peux pas, Régis est une victime lui aussi…

- Il est dans le même état de faiblesse que lorsque que je t’ai trouvé… Si tu l’affrontes, tu le tueras assurément… Et c’est aussi mon ami, Dettlaff…

- Dettlaff... Je comprends ce que tu ressens, Tu as eu peur pour moi… Mais ne lui en veux pas, il se sent déjà bien coupable comme ça de s’être fait avoir comme ça et de s’être attaqué à moi…

Malgré cela, je comprends le courroux de Dettlaff… Il n’y a pas de demi-teinte chez lui, c’est soit blanc, soit noir. Bien que j’essaie tant bien que mal de rajouter quelques nuances à sa palette bichrome.

Je lui explique alors de manière courte et concise ce que je sais du comment en est-on arrivé là, mais il est encore trop en colère pour assimiler ce que je venais de lui dire. Encore une fois je comprends ce qu’il ressent, d’autant plus quand il me demande si un dit ami n’est pas censé se comporter ainsi. Il désigne alors mes morsures déjà moins visibles.

- Dettlaff… Le plus important est que cette folie se soit arrêtée qu’il ne fera plus de mal à personne. Je sais que tu vas lui demander des comptes, mais ne sois pas trop dur avec lui… Pour moi s’il te plait…

Je soupire et je le suis du regard quand il se retourne, se dirigeant vers l’arbre qui encaisse le coup du vampire supérieur en craquant et prenant une courbure inhabituelle. A la prochaine tempête, il va tomber, cela est certain. Je l’écoute, je fais oui de la tête. Je m’avance vers lui. Je prends sa main et je la porte à ma joue.

- C’est fini Dettlaff… Maintenant l’important c’est de reprendre notre périple, Dès que Régis sera en état et Ciri en ces lieux. Je sais ce que tu vas dire, mais on a besoin de Régis. Et encore une fois tu le connais mieux que moi, tu sais qui il est, au fond, pour vrai… Et il n’y a qu’une conclusion. Il n’est plus cette bête. Quelqu’un s’est arrangé pour ramener l’accro sur le devant de la scène… Et je ne vois qu’une personne capable de faire cela…

Je lâche doucement sa main et je finis par lâcher le morceau, me retournant face aux flammes du feu de camp.

- Vilgefortz mort… Il n’y a qu’un de ses alliés ou élèves qui auraient pu faire le coup…

La tempête Dettlaff s’apaise, ouf. Il réfléchit, son courroux semble se calmer. Et j’ai comme l’impression qu’il a renoncé à faire du mal à Régis qui est assez mal de ce qu’il s’est passé comme ça.
J’écoute sa réflexion. Vilgefortz tromper la mort ? Vu comment Le Sorceleur l’a mis…

- Ca m’étonnerait fort que Vilgefortz s’en soit tiré. Vu qui l’a occis. Cela me paraît impossible…

Je regarde ses phalanges, il n’y a plus rien. Je regarde l’infortuné arbre, il a moins bonne mine.

Il me demande par la suite ce qu’on fait. Je réfléchis et à ses mots il est toujours aussi peu emballé par le projet. Mais on ne va pas dévier tout de suite du but de ce périple.

- On reste sur le but premier, Mont Crane et l’autre. En ce qui concerne Régis, j’ai élaboré une potion qui semble marcher pour l’aider à supprimer ce poison.

J’attise le feu un peu plus. Des herbes sèches et du bois. Bientôt la moitié du gibier pourra être cuit. Car j’ai remarqué que Régis avait touché qu’à la partie avant de la bête et peu. Il restait aisément deux cuissots à faire cuire.

Je vais ensuite vers l’entrée de la grotte et je pose doucement ma main sur son front. La fièvre est enfin tombée. C’est une petite victoire. Ca montre que la potion continue à faire son œuvre. Je me redresse, et je repars vers Dettlaff tandis qu’Oscuro avance vers moi et que je le décharge de son fardeau.

- Laissons-le se reposer… L’odeur de viande grillée se chargera de le réveiller…

Je m’assois alors devant le feu. Je lui fais signe de me rejoindre. Je me blottis alors contre lui, avec une furieuse envie de lâcher prise et de dormir quelques instants. Je sais que dans ses bras, je ne risque rien.

Au final, je finis par m’endormir, lové contre le vampire supérieur et réchauffée par le feu de camp qui crépite. Je me revois plus jeune, lors d’un banquet à Jorrvaskr, faisant la fête avec les compagnons. Il y a mon père le Jarl, ma mère, et mon petit frère, enfin petit, il est né quelques minutes après moi. Puis lors de mon voyage, tuant accidentellement un innocent pour me retrouver au sein de la Confrérie Noire. Cyrrodiil et la dissolution de la guilde des Mages au profit de l’académie de Fordhiver, échappée d’un cataclysme, alors que la ville a été entièrement rasée ou presque. Le périple en mer, essuyant plusieurs tempêtes. Oscuro qui n’était qu’un jeune poulain et pourtant, il avait déjà le courage et la force d’un adulte. Skellige, l’esprit nordique m’a saisi tout de suite, la mentalité, et eux, ils savent reconnaître quelqu’un qui a la même souche qu’eux. J’aurai aimé rester plus longtemps…

Velen, la désolation, la peine, le désastre de la Guerre. C’est là-bas que j’ai commencé à prendre des contrats et à me mettre sous l’enseignement d’un vieil herboriste qui avait aussi le don de vision. Accompagné d’une étrange chèvre. Je remonte vers Oxenfurt et Novigrad. C’est là-bas que j’ai rencontré Régis. Il est devenu mon mentor, un père de substitution et un ami cher à date.

Toussaint, ma réputation de mercenaire au code d’honneur ressemblant à celui des Chevaliers m’a suivi jusqu’ici. Je vis de bivouac et d’hospitalité. Puis ma rencontre avec Dettlaff… Sa peur d’aimer… Casteldaccia…Un boulot de rénovation titanesque. Et Duny… Enfin… Ce qu’il en reste, j’ai l’impression que rien de ce que j’ai vécu n’a été réel…

Je me réveille dans un sursaut. Combien de temps ai-je dormi. Je crois que mes blessures ne sont plus là, ni les traces de morsures. Je cligne plusieurs fois des yeux. Le feu est toujours actif, et je sens les doigts de Dettlaff dans mes cheveux, il n’a pas bougé.

- J’ai dormi longtemps ?